Un grand bruit de catastrophe

Un Twin Peaks québécois, une touche féministe et sociale en plus.

C’est une de ces histoires malheureusement si communes, d’une petite ville perdue, ici sur la Côte-Nord, au Québec. Les enfants rêvent d’ailleurs mais se sentent piégés : il se battent contre la monotonie, le déterminisme et ces choses qui ne se disent pas mais qui rongent un être aussi sûrement que le froid et la neige s’abattent sur Val Grégoire à chaque hiver. Un roman profondément marquant qu’on ne peut que vous conseiller.

En France il y a Nicolas Mathieu, parangon du déterminisme social et de la jeunesse sacrifiée. Au Canada, où l’on ne parle pas tout à fait comme en France et où on n’écrit pas non plus de la même manière, il y a désormais Nicolas Delisle-L’Heureux.

Avec des personnages complexes et attachants, l’auteur nous livre un très beau roman sur les amitiés enfantines, les ravages des traumatismes et la force d’un trio adolescent, sur fond de paysages canadiens, vastes et hétéroclites.

Val Grégoire est de ces lieux sont la mythologie tragique entrave ses gens, les conditionne à un entre-soi maussade. Face à l’inertie ambiante, Louise, Marco et Laurence jouent et rêvent d’ailleurs. Ce trio remuant est raconté dans une langue québécoise grave et emphatique, qui par son ton, rappelle l’éternelle question : Sommes-nous ce que notre milieu et notre famille font de nous ? 

Dans une langue vernaculaire et incisive à l’image des lieux reculés qu’il raconte, Nicolas Delisle-L’Heureux nous offre un roman noir qui ne se dit pas et parvient à créer du suspens avec presque rien. Les trajectoires de trois ami·es uni·es par la promesse de mettre fin à la prophétie ouananiche deviennent dès lors une lutte face au déterminisme social. Du grand art !

L’histoire de trois adolescents qui rêvent d’ailleurs. Des amitiés à l’épreuve du temps. 

Nous aussi on aimerait s’échapper de Val Grégoire mais on ne peut pas lâcher le récit.